mercredi 28 novembre 2007

RAS chez nous

Après quelques semaines de vacances, un Français expatrié revient chez lui à Tana. En arrivant il demande à sa femme de ménage :

- Alors qu’est-ce qui s’est passé à Madagascar ? Inona ny voavoa ? Quoi de neuf ?

- Rien du tout - Tsy misy voavoa. Est-ce que vous pouvez me donner de l’aspirine ?

- Euh oui… mais pourquoi ? Vous êtes malade ?

- Non c’est mon mari, mais il va bien.

- Ha bon… qu’est-ce qu’il a exactement ?

- Il s’est coupé une main avec sa scie. Mais j’ai frotté avec une feuille de bananier. Tsy manina - pas grave.

- Pourquoi une scie ?

- Il fabriquait des cercueils, mais on s’est arrangé avec mon beau-frère. Les cercueils sont très bien faits.

- Des cercueils ? Mais pourquoi vous fabriquez des cercueils ?

- Ben pour enterrer nos enfants. Ils sont morts hier, mais maintenant j’ai mis leur âme au nord-ouest de ma maison et je peux leur parler.

- Vos enfants sont morts ???? Qu’est-ce qui s’est passé ?

- C’est à cause de l’épidémie de choléra. Mais le ministre a dit que c’est bientôt fini, on attend un peu et c’est tout.

- Il y a une épidémie de choléra ici ??? Depuis quand ??

- C’est depuis les inondations de la semaine dernière. Vous avez vu ? L’eau a déjà disparu. Comme ça on est prêt pour le prochain cyclone qui arrive ce soir. Tout va bien – Tsy misy problème…

vendredi 9 novembre 2007

Casseurs de pierres




A Mada 1 enfant sur 3 travaille toute la journée et ne va pas à l'école...

jeudi 8 novembre 2007

Chacun sa foirefouille

Quelques photos d'une des décharges de Tana, entre le centre-ville et l'aéroport, à quelques centaines de mètres du marché d'artisanat où chaque jour des dizaines de touristes déambulent, comparent, farfouillent d'échope en échope, en quête d'un panier en raphia, d'un foulard en soie ou d'un bibelot en bois d'ébène.


Photos de François P. - ATD Quart-Monde.

lundi 5 novembre 2007

Clos Malaza : Compte rendu de dégoutation


Evitez de carafer, lancez-vous tout de suite dans le verre : jetez vous à l’attaque de ce vin qui nécessite un tempérament de poilu des tranchées et une endurance de marathonien des zincs.


Robe :

Claire et joyeuse d’un vin jeune, à peine pubère, retrouvant ses quelques rougeurs devant la nudité d’une bouteille sans design.


Nez :

Un nez discret tirant sur les fruits verts, rappelant la pureté d’une terre rouge et sans âme d’un pays de tradition rhumée. Des effluves de sucres et de tanins qui, après quelques instants d’aération se gâtent en une senteur de réglisses ou de fruits exotiques qui change certainement avec la qualité de lavage d’une bouteille de consigne plus ou moins conventionnelle.


Bouche :

ça se gâte. Attaque difficile, mais allègre qui laisse sur sa soif dès la dernière goutte disparue... Un cyclone qui arrache toute aspérité dans un palais déjà malmené par les premières approches au nez.

Une bouillie de raisin mal pressé qui traverse un gosier dans une cavalcade de tanins désespérés : rescapés d’une vinification façon berrichon noyé dans son absinthe. Tout ceci se termine dans une apothéose vrillante, titillant dans un joyeux sadisme les neurones qui irradient jusqu’au fond du crâne les souvenirs noueux d’une vigne torturée par un mauvais vigneron à coups d’angada dans la nuque du buveur.

Tout ceci ne laisse que peu de souvenir et d’envie, que celle peut-être de se laver les dents au plus vite, au cas où certaines auraient réchappé au raz de marée éthylique.


Conclusion :

Les vignerons des hauts plateaux d'Ambohimalaza seraient bien inspirés de se reconvertir dans le bio carburant ou le solvant industriel vu les dégats qu'entraine régulièrement leur vitriol sur les systèmes nerveux et intestinaux de touristes non avertis ou carrément intrépides et avides de sensations ... fortes ?

mardi 23 octobre 2007

Stylo vita malagasy

Ce matin le quotidien Midi Madagasikara annonce un événement qui fait déjà de l'ombre à la visite de Laëtitia Halliday sur la Grande Île : "Le premier stylo malgache bientôt sur le marché".

Selon l'article, ce stylo fabriqué par la société "Stylo Madagascar SARL" répond aux "exigences malgaches en termes de qualité et de performance". Qualité ?? Performance ?? Il doit pas être 100% malagasy ce stylo, faut lui faire un test ADN...
Toujours selon l'article, ces stylos malgaches sont "porteurs de messages forts et véhiculent la valeur socio-culturelle malgache". Euh... alors ça ça veut dire que le stylo vita malgasy ne peut pas écrire en rouge. Bah oui c'est interdit par la valeur socio-culturelle du pays, ça fâcherait les ancêtres. On a des amis qui ont essayé d'écrire en rouge, je vous raconte pas la tête des ancêtres...
Enfin sur chaque stylo "un petit message en malgache est inscrit de manière à rappeler à celui qui l’utilisera que ces mots servaient de repère aux anciens". On devrait donc pouvoir lire, au choix : "Il faut toujours aller par quatre chemins" - "Le riz et le riz sont les deux mamelles de Madagascar" - "Tout vient à point à qui sait attendre... longtemps" - "Il y a de la fumée sans feu" - "Le temps c'est pas de l'argent" - "Le bonheur des uns fait le malheur des autres" - etc. Enfin bref les grands repères de base qui se transmettent de génération en génération.

Alors ? c'est pas du marketing efficace ça ?

jeudi 11 octobre 2007

Mada 1 - Darfour 0

Madagascar c'est loin, c'est exotique, c'est plein de bestioles et d'arbres bizarres, mais c'est pas seulement un paradis touristique. C'est aussi et surtout rempli de pauvres. Résultat : les ONG et les Nations Unies réussissent peu à peu à convaincre les chaînes de télé de venir filmer ici. Bon ok ça manque de camps de réfugiés, de tsunami dévastateurs et de bilan catastrophique. On peut pas lutter avec le Darfour ou le Sri Lanka pour attirer les caméras. Mais un gamin rachitique en haillon avec le nez qui coule et des mouches sur la tête ça fait quand même des belles images pour un JT de 20h.

Et ben justement il y a quelques jours Patrick Poivre d'Arvor a diffusé dans son journal de 20h un reportage sur Madagascar, précisément sur la famine de l'été dernier dans le grand sud de l'île. Bon TF1 découvre la lune... ça fait des décennies que la situation se répète à l'identique chaque année : pas de pluie, pas de récolte, aide internationale. Mais c'est un joli coup... 1'30'' au JT de TF1... 40% de parts de marché pour les gamins de la brousse au ventre ballonné... et pour les ONG mis en lumière dans le reportage.

Bon il paraît que c'est "normal" : c'est comme ça qu'on arrive à lever des fonds pour aider les plus pauvres. C'est la guerre des humanitaires, faut avoir les meilleurs pauvres, les plus larmoyants, les plus convaincants pour faire craquer les mères de famille, les fondations d'entreprise, les gouvernements.

Enfin à Mada on part avec un handicap : les famines et les épidémies elles font pas des milliers de morts, même les cyclones ils sont un peu feignants pour faire du chiffre. Mais les humanitaires de Mada n'ont pas dit leur dernier mot, la bataille continue.

La semaine prochaine TF1 et Paris Match viennent couvrir un grand événement organisé par l'UNICEF : une campagne nationale de vaccination contre la rougeole, une maladie qui fait encore des ravages ici. En fait TF1 vient surtout filmer Mme Laëtitia Halliday - femme de... si si la vraie - qui est marraine de l'opération. Laëtitia dans un dispensaire de brousse au milieu des enfants crasseux et malades ça va faire un malheur au JT ça. Ici on vise 50% de parts de marché, voire 60% sur les ménagères de moins de 50 ans. Et toc pour le Darfour... Et y sont où ? et y sont où les Soudanais ???

mercredi 3 octobre 2007

Des ordures aux petits fours



Je suis allée ce matin sur l'une des décharges de Tana, au pied des collines du centre-ville :
Imaginez un immense tas d'ordures. Plus grand que plusieurs terrains de foot. On ne sait même plus sur quoi on marche, les couches d'ordures sont superposées depuis des dizaines d'années, ça sent très mauvais. Toute la journée et toute la nuit des camions déversent des tonnes de déchets dans cette décharge. Et à chaque fois qu'un camion arrive, des dizaines, des centaines de gamins courent de toutes leurs forces pour grimper les premiers et récupérer tout ce qu'ils peuvent. Ils se jettent dans le tas d'ordures, se disputent les meilleurs bouts de tissu, les boites en aluminium, les morceaux de carton ou les épluchures.
Les camions les plus intéressants arrivent la nuit entre 19h et 4h du matin. Donc les enfants ne dorment pas, ils travaillent la nuit avec tous leurs frères et soeurs et leurs parents, et au petit matin ils partent vendre leur récolte sur les "marchés" de récup'. Ils se reposent l'après-midi... sauf si un camion intéressant arrive, comme ceux des usines textile remplis de chutes de tissus.
Ces enfants sont nés là et ne connaissent rien d'autre que la décharge. Quand je leur ai demandé s'ils voulaient arrêter ce travail et quels étaient leurs rêves, ils m'ont répondu "c'est quoi un rêve?". Quant aux parents ils disent qu'ils ne savent rien faire d'autre et que trier les ordures c'est la meilleure activité pour survivre : ils arrivent à gagner 5 000 ariary (2 euros) une très bonne nuit. Mais parfois ils ne trouvent rien, la récolte est mauvaise et il faut passer une journée sans manger.


Vers midi j'ai quitté les enfants de la décharge pour aller célébrer la fête nationale allemande à la Villa Berlin, la résidence de l'Ambassadeur. Tout le gratin de Tana était rassemblé au bord de la piscine sous les parasols, se régalant d'une bonne choucroute arrosée d'une coupe de champagne, et glosant sur la pauvreté et le développement.
Les restes du cocktail arriveront sûrement vers 19h à la décharge.

lundi 1 octobre 2007

Les petites fleurs de Paris

A tous les Parisiens qui se demandent à quoi servent leurs impôts locaux, j'ai la réponse : à planter des petites fleurs et des barrières à Tana...
Hé oui grâce à des financements de la mairie de Paris et à la Région Ile-de-France, l'avenue de l'indépendance est désormais magnifique. Les deux contre-allées et le terre-plein central sont bordés de barrières blanches et de plots qui empêchent tout stationnement, tandis que des parterres de fleurs ont été installés partout. Les urbanistes parisiens qui ont eu ces brillantes idées ont appellé ça le "Plan vert". Jean-Paul Huchon, le président de la Région Ile-de-France est venu en personne inaugurer cette oeuvre d'art, se vantant d'avoir transformé la capitale malgache (!!).
Résultat, maintenant sur l'avenue de l'Indépendance on se croirait sur le périph à 19h. Impossible de circuler et encore moins de se garer. Pendant ce temps dans les bas quartiers les routes sont toujours en terre, jonchées de tas d'ordures et les habitants vivent à 8 ou 10 dans des petites cases en bois et en tôle inondées en saison des pluies.
Jean-Paul Huchon n'a pas pensé à utiliser l'argent des Parisiens pour aider ces quartiers pauvres. Il ne s'est même pas aventuré là-bas... sans doute qu'il ne savait pas où planter ses barrières et ses petites fleurs...

mercredi 5 septembre 2007

Bande de billes...

Faut avouer, être champions de pétanque déjà c'était bien ridicule. Mais les Malgaches (qui n'en ont pas peur justement... du ridicule) ont fait beaucoup plus fort : ils sont désormais champions du monde de... billes.
Si si... Jonathan Andrianasolo vient de remporter les Championnats du monde de billes sur sable, devant un Autrichien, un Français et un Espagnol. Ça s'est passé fin août à Oléron et c'étaient les 27è Mondiaux (mais comment ça se fait qu'on n'ait pas entendu parler des 26 premiers???). Le but c'est d'effectuer un parcours semé d'obstacles et d'adversaires farouches avec une petite bille de 16 mm.
3 heures de compétition intense et acharnée. Attention c'est du sérieux. Pourquoi c'est pas au programme des Jeux Olympiques les billes sur sable ???
En attendant, prochain défi pour les Gasy : conquérir le titre de champions du monde de lancer de noyaux de litchis sur gazon.

mercredi 29 août 2007

L'île au potentiel éternel

Il y a quelques décennies un certain Charles de Gaulle aurait dit : "Madagascar est un pays qui a du potentiel, et qui le gardera"...

Autrement dit la Grande Ile se développera quand les lémuriens chanteront "I like to move it move it" au sommet des baobabs.

Et bien ici il y a un parti politique qui pense avoir trouvé LA solution pour convertir le potentiel de Madagascar, et faire du pays un grand dragon économique. Ce parti s'appelle Otrik'afo, c'est-à-dire "les braises".

D'après eux LA solution c'est de virer du pays tous les étrangers, tous ces Français, ces Indiens, ces Pakistanais, ces Chinois, ces Américains et autres Australiens qui cherchent du pétrole, exploitent des mines de nickel ou d'uranium, qui tiennent des hôtels et des restaurants, développent les nouvelles technologies ou dirigent des projets humanitaires. Tous, il faut tous les virer et rendre le pays au peuple malgache.
Attention il ne s'agit pas d'un parti xénophobe ni même nationaliste comme il en existe plein en Europe. Otrik'afo est un parti patriotique d'extrême-gauche et se veut dans la ligne des Lula, Chavez et cie.

Alors imaginons que tous les investisseurs et travailleurs étrangers quittent le pays, comment les Malgaches vont-ils financer les projets? Avec quel argent vont-ils monter des usines sans les dollars et les euros des vazaha ? Comment vont-ils payer les fonctionnaires, construire des écoles, des centres de santé et des routes si la Banque Mondiale et l'Union Européenne ne sont plus là ?
Pas de problème - répond Otrik'afo, qui a encore LA solution : il suffit... d'imprimer des billets... et voilà.

On appelle ça faire fonctionner la planche à billets. C'est ce que Robert Mugabe au Zimbabwé a cru malin de faire, après avoir viré les fermiers blancs et redistribué la terre au peuple. Résultat : l'inflation du Zimbabwé avoisine aujourd'hui les 8000 % ... et dépassera les 10 000 % dans les prochains mois. Record mondial.

Mais Otrik'afo n'en démord pas : s'il était au pouvoir, Madagascar se développerait en quelques semaines. Heureusement ces dangereux illuminés ne risquent pas d'accéder à la présidence, l'île rouge va conserver son potentiel éternel pendant de longues décennies, et les lémuriens ne sont pas près de se dandiner dans la brousse.

lundi 20 août 2007

Les aventures de Bob le Seychellois aux JI

Ca y est! Tous les trottoirs sont repeints, les drapeaux sont hissés dans les rues, la piscine est à la bonne température et le stade a reçu tous les matériels de compétition. Ici on est fin prêt : Madagascar va enfin pouvoir accueillir les Jeux des îles de l'Océan Indien!!

Euh... hum hum... comment dire.... Ben en fait c'est déjà fini les Jeux. La cérémonie de clôture a eu lieu dimanche dernier et les Malgaches ont remporté les Jeux avec 101 médailles d'or devant les Réunionnais (67), les Mauriciens (35) et les Seychellois (35).

Bon alors voici un aperçu de cet événement (dés)organisé par la Grande Ile... C'est Bob le lanceur de javelot seychellois qui nous raconte :

"Avec mes copains des Seychelles on a participé pendant 10 jours aux 7è Jeux des îles de l'Océan Indien. Un peu comme les Jeux olympiques de l'Océan Indien, avec 6 îles participantes : Mada, La Réunion, Les Comores, Mayotte, L'Ile Maurice et les Seychelles. Sauf que là ça se passait sur l'île des barjots de l'océan indien... vous allez voir.

Ce sont mes premiers Jeux et en arrivant je stresse un peu. Il paraît que rien n'est prêt : la piscine est à peine creusée, la piste du stade d'athlétisme n'est pas posée, le Village des athlètes n'est pas terminé. Pff... des mauvaises langues sûrement.
D'ailleurs quand on arrive à l'aéroport avec toute la délégation seychelloise, l'accueil est digne des chefs d'Etat. Le tapis rouge est de sortie sur le tarmac et quelques officiels malgaches nous souhaitent la bienvenue avec un jus d'orange dans le salon d'honneur. Ça commence très bien. Bon il y a quand même une partie des bagages qui a disparu. Il paraît qu'ils ont été embarqués sur un vol pour Tuléar. Mais ça n'a pas l'air d'inquiéter les Malgaches ; tout est sûrement sous contrôle.
On nous emmène au Village des athlètes : c'est un vieux lycée technique décrépi qui a été transformé en gigantesque dortoir pour accueillir les 1600 sportifs et leurs coaches. On est loin d'un hôtel 4 étoiles des Seychelles, mais la bonne humeur règne dans tous les couloirs.


D'après le programme officiel, les compétitions de javelot ne commencent que dans 5 jours. D'ici là je vais aller supporter mes copains des autres disciplines. Demain : premiers matchs de volley à 10h au Gymnase de Mahamasina, j'y serai avec mon drapeau des Seychelles.

Il est 9h, c'est parti pour les Jeux!! Il faut vite oublier cette horrible nuit, le chahut des Comoriens, les toilettes bouchés, les cafards. Je prends une navette qui me conduit directement au Gymnase de volley. Tiens c'est vraiment bien organisé ça. Et en plus je visite un peu Tana. Mais pourquoi ils repeignent tous les trottoirs ?

On arrive. Mais devant le gymnase il y a un attroupement, avec des officiels malgaches et leurs badges réglementaires, des athlètes de tous les pays en survêtement, et des spectateurs au regard inquiet un billet d'entrée à la main. Très vite j'apprends que la clé du gymnase est introuvable. Et puis de toutes façons les poteaux du volley ont été livrés par erreur au stade d'athlétisme, on les a confondus avec les poteaux du saut à la perche. Ils sont bizarres ces Malgaches. Les compétitions de volley sont reportées.
Toujours muni de mon drapeau je reprends une navette pour aller voir Mark mon copain haltérophile au Gymnase d'Antanimena. Mais là-bas aussi les portes sont closes. Sous la belle banderole indiquant l'entrée du site d'haltérophilie, il n'y a pas un athlète, pas un spectateur. Seul un gardien dans un uniforme flambant neuf somnole avachi sur une chaise qui menace de s'écrouler. Dans un français approximatif le gardien m'explique que les haltères et le tableau d'affichage offerts par la Chine sont inutilisables. Mais rien de grave : on est parti en chercher d'autres à La Réunion. Ben voyons. En attendant les compétitions d'haltérophilie sont reportées. Vraiment bizarres ces Malgaches...


Bon, à peine découragé, je repars en examinant mon programme officiel. Je décide d'aller déjeuner à la cantine du village des athlètes avant d'assister aux combats de karaté au Dojo d'Ankorondrano. Un bol de riz et deux bananes plus tard, me revoilà dans la navette, très impatient d'assister à mes premières compétitions internationales! Et je ne suis pas déçu : dans le dojo il y a de l'ambiance. Les spectateurs sont debout, applaudissant et hurlant. Les pom-pom girls se trémoussent suivant une chorégraphie très huilée, pendant que le speaker s'égosille pour essayer de couvrir la musique et annoncer la cérémonie de remise des médailles. Un frêle karatéka malgache encore en kimono monte sur la première marche du podium, un Réunionnais et un Mauricien l'encadrent. Le silence se fait pour écouter l'hymne malgache. C'est la cérémonie des moins de 60 kg. La dernière de la journée - m'explique un Volontaire des Jeux en uniforme - les compétitions sont terminées pour aujourd'hui. L'horaire a changé, vous ne saviez pas?
Ben non je ne savais... C'est un pays de fous ou quoi ?


Ce matin je vais m'entraîner. Bah oui je suis pas là pour faire du tourisme moi. Les bagages sont revenus de leur petit périple à Tuléar et j'ai passé une bonne nuit, malgré le concert hier soir d'un insupportable groupe folklorique malgache. C'est une coutume pour faire tomber la pluie ? ou c'est peut-être une technique pour afflaiblir les adversaires...
Avec mon équipe, mon coach et tout mon matériel, je vais à pied au stade d'Alarobia juste à côté du Village. Ça et là des ouvriers s'affairent pour décharger les haies du 110m, remplir de sable les bacs du saut en longueur, finir de peindre les tribunes. Mais ils ont été prévenus quand qu'il fallait organiser les Jeux des îles ?? il y a quinze jours ?
Mes camarades sprinteurs ne sont pas contents : pendant les compétitions il n'y aura pas de chronométrage électronique, juste des arbitres malgaches avec leurs petits chronomètres manuels. Pas du tout dans les normes internationales - ils disent. Bof pas très grave à mon avis. De toutes façons personne ne va battre le record du monde du 100m ici. Les sauteurs eux aussi sont furieux : les poteaux ne sont pas encore installés, ils viennent juste d'arriver. Et ils arrivent d'où ces poteaux ? de Pékin, de Zanzibar, de Terre Neuve? Pays de fous... Moi j'ai de la chance, je peux lancer mes javelots. Enfin j'espère que personne ne va me les piquer de l'autre côté du stade pour en faire des piquets de corner sur le terrain de foot... Je vais pas les lancer trop fort tiens.

Entraînement le matin et détente l'après-midi. Maintenant j'ai mes habitudes dans ces Jeux des îles. Hier je suis allé voir les demi-finales de basket : les Seychellois ont perdu mais le spectacle était grandiose et les supporters malgaches littéralement déchaînés. Les basketteurs malgaches ce sont des stars ici. Malheureusement à l'entrée du Palais des sports il y a eu une bousculade, 20 personnes blessées ont été évacuées à l'hôpital. Il paraît qu'ils ont vendu plus de billets que le Palais ne peut contenir de spectateurs.

Aujourd'hui après l'entraînement, avec mes copains de l'athlé on ira soutenir les nageurs seychellois à la piscine.
C'est une belle piscine olympique de 50m construite spécialement pour les Jeux. Le problème c'est qu'ici on est à 1400m d'altitude et qu'on est en plein hiver. Il fait un froid de canard, il y a du vent et le soleil se couche vers 17h30. Bref l'eau est gelée, je plains les nageurs ! Il y a bien un appareil à chauffer l'eau mais ça ne suffit pas à la maintenir à une bonne température. Le Comité malgache d'organisation des Jeux il a confondu natation et patinage sur glace ou quoi ??

Bon ça y est c'est mon tour : les compétitions de javelot ont commencé ce matin au Stade d'Alarobia, devant un public franchement clairsemé. Curieux... c'est pourtant top le javelot. Le Réunionnais fait un jet à 73m, le Mauricien à 64m, le Mahorais à 63m. Ils sont trop forts pour moi.
Pas grave je me suis bien amusé pendant ces Jeux. D'ailleurs à la Cérémonie de clôture dimanche, le Premier ministre malgache a dit que c'étaient les Jeux les mieux organisés depuis 1979. Et qu'ils resteront à jamais les meilleurs Jeux des îles de l'histoire... Ils sont fous ces Malgaches."

jeudi 21 juin 2007

Des mouffles dans la valise

Petit dialogue avec Pops (4 ans) qui ne rêve que d'une chose : voir la neige...

- Tu sais la neige c'est seulement pendant l'hiver.
- C'est quoi l'hiver ?
- C'est quand il fait très froid, on met un manteau, un bonnet et des gants.
- Ben en ce moment il fait très froid, je dois mettre un pull, c'est l'hiver alors?
- Oui c'est l'hiver.
- Alors elle est où la neige ?
- Euh... à Madagascar il n'y a pas de neige, il fait pas assez froid. Mais en France il y a de la neige.
- Super ! on va voir la neige chez papy et mamita ?
- Non parce que c'est pas l'hiver en ce moment... c'est l'été.
- C'est quoi l'été ?
- C'est quand il fait très chaud, il pleut et il y a des cyclones
- Il y a des cyclones chez papy et mamita ?
- Hé non pas de cyclone !
- Bon c'est pas l'été alors chez papy et mamita. Donc c'est l'hiver ! super il y aura de la neige !
- Aaaaaaaaaaargh !!!

jeudi 14 juin 2007

Au feu !

Un jour de 1986 un haut fonctionnaire du ministère malagasy de la Culture se rend à un rendez-vous à la TVM (Télévision Nationale Malagasy). Dans un bureau il aperçoit une secrétaire qui a surélevé sa chaise avec quelques bobines magnétiques de 35 mm.
D'où viennent ces bobines? - s'étonne-t-il, intrigué par l'usage de ces bandes magnétiques, lui qui s'occupe de l'importation et de la diffusion des films dans le pays. La secrétaire de la TVM lui montre alors un vieux garage rempli de bobines très abîmées par la pluie qui tombe du toit. Il y a là les Journaux Télévisés du soir, des rush de reportage, ainsi que des documentaires de la TVM.
Ce sont les bobines qu'on n'a pas encore eu le temps de brûler - explique cette secrétaire naïve qui, malgré elle, va permettre de sauver quelques centaines d'heures d'archives de l'histoire malgache. En effet, encore tout abasourdi, le haut fonctionnaire demande l'autorisation à la TVM de récupérer les bobines du vieux garage et il les emmène dans son bureau.
Depuis l'Indépendance la télé nationale a donc consciencieusement brûlé toutes ses archives. Du coup, hormi les plus anciens, personne ici n'a jamais vu des images du premier président de la République Philibert Tsiranana, ou des images de la cérémonie d'Indépendance. Curieux pour un pays si attaché à ses ancêtres et son histoire...
Il y a quelques jours la France a offert à Madagascar une machine qui va permettre de numériser les bobines magnétiques encore utilisables pour les conserver sur des DVD et avoir enfin des images d'archives.
Vont-il vraiment le faire ? Ou vont-il brûler la machine ?!

mardi 12 juin 2007

Playmobil présente sa nouvelle collection : "le président playmobil visite un chantier"
Attention : ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois et aux étrangers. contient des pièces dangereuses.

vendredi 1 juin 2007

Mais où est Jolly Jumper ?

C'est une certitude maintenant : à Madagascar le ridicule ne tue pas...
Voici le Chef de l'Etat malagasy visitant un chantier près de son Palais présidentiel :



Et c'est lui qui terrorise tout le monde sur l'île ??

mercredi 23 mai 2007

Si Bill Gates mangeait du riz...

Que serait aujourd'hui l'informatique si Bill Gates avait été malagasy ? Avec quoi serions-nous obligés de travailler si Windows avait été conçu sur l'île rouge ? C'est de la fiction heureusement...

Si Windows était malagasy...

L'horloge indiquerait l'heure à une demi-heure près.
Il faudrait lui faire un kabary* avant qu'il accepte de démarrer.
Certaines fonctions seraient inaccessibles et une fenêtre s'ouvrirait disant : "Impossible d'effectuer, l'ancêtre dit que c'est fady**".
Une autre fenêtre s'ouvrirait : "Pour continuer, vous devez sacrifier trois logiciels avant le coucher du soleil".
A chaque question vous auriez le choix entre "OK" ou "oui oui".
Internet ne fonctionnerait qu'entre membres de la même famille, voire d'une même ethnie.
Il se mettrait automatiquement en veille à la tombée de la nuit.
Il tomberait en panne au bout d'un an et votre vendeur vous dirait de contacter votre bailleur de fonds habituel.

Alors ? Le tout-puissant windows américain n'est pas si mal finalement ??

* kabary = un long discours plein d'emphase et de proverbes traditionnels
** fady = un interdit ancestral dicté par les ancêtres

lundi 21 mai 2007

Humour... (suite)

Une semaine après l'expulsion du P. Sylvain Urfer, un jésuite français, le président malgache a déclaré publiquement :

"Vous les missionnaires, que vous soyez pasteurs ou prêtres, consacrez-vous à propager l'Evangile. Ne vous immiscez pas dans nos affaires internes, surtout pas en politique. Sinon en peu de temps je vous expédierai là d'où vous êtes venus".

Ça a le mérite d'être clair.
Et la suite l'est encore plus :

"Vous les ambassadeurs vous pouvez rentrer chez vous si vous ne savez pas vous tenir tranquilles. Auparavant nous avions des comptes à vous rendre. Ce n'est plus le cas actuellement. Heureusement que certains d'entre vous vont quitter le pays prochainement."

Là le président faisait peut-être allusion à James McGee, l'ambassadeur américain qui a terminé sa mission ici et va partir dans quelques jours. James McGee a osé demander des comptes sur l'argent donné par les Etats-Unis à l'Etat malgache.
Mais il ne savait sûrement pas que le boulot d'un diplomate c'est donner de l'argent et se taire. C'est ce qui s'appelle "se tenir tranquille".

Mais à quoi servent donc toutes ces ambassades ultra-sécurisées et tous ces diplomates en costumes et plaque verte qui fourmillent dans Tana? Il suffirait que chaque pays étranger installe des distributeurs automatiques de billets à La Présidence. Au moins un DAB ça se tient tranquille.

vendredi 18 mai 2007

Mauvaise blague

Hier Madagascar a été élue, au premier tour, membre du Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies.

Pendant ce temps :
- Un jésuite français a été expulsé en 48h après 33 ans d'activités à Tana parce qu'il "réfléchissait"
- Un député et un sénateur ont été arrêtés et mis en prison pour avoir participé à une manifestation à Tuléar
- Un tireur de pousse-pousse a été tué par les forces de l'ordre alors qu'il manifestait contre les coupures d'électricité à Diego
- Un maire d'une grande ville a été mis en prison parce qu'il était le principal opposant au régime
- Les membres de l'opposition n'ont pas le droit d'être interviewés à la Télévision Nationale et Radio Nationale
Etc, etc.

Heureusement l'île rouge fait aujourd'hui partie des 47 membres du Conseil des Droits de l'Homme. Et le président va désormais pouvoir donner des leçons de démocratie et de droits de l'Homme à toute la planète.

Conclusion : On a beaucoup d'humour aux Nations Unies.

vendredi 11 mai 2007

Veloma ! *

Le Père Sylvain Urfer, 66 ans, vient de se faire expulser de l'île rouge.
Français, jésuite, curé de paroisse dans l'un des quartiers les plus pauvres de la capitale, prof à l'Institut Catholique, directeur de "Foi et Justice", un centre de recherches, il aura vécu près de 35 ans à Madagascar. Il quitte le pays définitivement ce soir. Avec l'interdiction officielle de revenir. Et avec beaucoup d'amertume.
35 ans de vie et de dévouement pour Mada et 48h pour faire ses valises...
Pourquoi ??
Parce que le P. Sylvain Urfer faisait partie d'un groupe d'intellectuels d'Antananarivo et il était le seul vazaha du groupe. Parce que ce groupe réfléchissait, discutait, écrivait sur le pays et son régime. Parce que ce groupe devenait de plus en plus critique à l'égard du président.
Et puis aussi parce que Sylvain Urfer est un catholique. Parce que les relations sont devenues très mauvaises entre l'Église catholique et le chef de l'Etat (qui est aussi le vice-président de l'Église réformée malgache).
Bref le P. Sylvain Urfer est un dangereux terroriste qui croit (croyait?) en la démocratie malgache.

"Au début, ils s'en sont pris aux communistes, je n'étais pas communiste, je n'ai rien dit. Après ils s'en sont pris aux juifs, je n'étais pas juif, je n'ai rien dit. Ensuite ils s'en sont pris aux catholiques, je n'étais pas catholique, je n'ai rien dit. A la fin quand ils s'en sont pris à moi, j'étais seul."
Pasteur Boegner - en parlant des Nazis



* Au revoir!

jeudi 3 mai 2007

Un peu de France dans la perf'

Haaa La Réunion... Après plus d'un an sans sortir de la Grande Île, quel bonheur cette petite respiration de 4 jours sur la Petite Île... l'île soeur, l'île voisine, la France des tropiques à 1h15 d'avion.



La Réunion c'est "l'île intense" comme ils disent sur la pub... Et faut reconnaître qu'on en a eu des émotions :

A La Réunion les feux passent au rouge, puis au vert, puis au rouge, puis au vert...

A La Réunion les policiers ne sont pas bourrés et ne réclament pas "des petits cadeaux" quand on a commis une infraction.
A La Réunion personne ne vient ouvrir le portail quand on klaxonne, mais les portes des pharmacies s'ouvrent toutes seules quand on est devant.
A La Réunion pas besoin de rouler 30 heures sur le bitume et sur des pistes pour aller à l'autre bout de l'île.
A La Réunion y a une drôle de montagne qui crache du feu, mais personne ne pense que c'est un ancêtre pas content.
A La Réunion les magasins sont grands comme un ministère, remplis comme un entrepôt des Nations Unies et ils ont des escaliers qui montent et qui descendent tout seuls.

La Réunion c'est quelques millilitres d'hexagone en perfusion pour des expatriés en manque.

Petite histoire

C'est l'histoire de Robert le sénateur et Dimby le député.
Robert et Dimby sont deux parlementaires de l'opposition qui n'aiment pas le président, qui le disent un peu trop fort et qui ont même osé manifester contre lui... Du coup le président ça ne lui plaît pas du tout et il veut les mettre en prison.
Et justement ça tombe bien : la nouvelle Constitution dit que maintenant les députés et sénateurs n'ont plus d'immunité parlementaire entre deux sessions de travail. On pourra donc les mettre en prison entre deux sessions dès que la Constitution aura été validée officiellement par la Haute Cour Constitutionnelle.
Tiens justement, la HCC vient de valider cette nouvelle Constitution. Et tiens Robert et Dimby ont été mis en prison la veille du début de la nouvelle session. C'est fou les coïncidences.
Il y avait seulement 3 jours entre l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution (qui supprime l'immunité entre les sessions) et le début de la session. Une petite fenêtre de trois jours pour agir contre les parlementaires un peu bavards.
Robert et Dimby auraient dû mieux regarder le calendrier avant de dire des méchancetés...

mercredi 2 mai 2007

Tout va très bien Monsieur le président

Il fait beau, ce sont les vacances de Pâques, la haute saison touristique commence et Corsair déverse chaque lundi des centaines de vacanciers sur l'île rouge, le riz pousse joyeusement dans nos vertes vallées et les baleines vont bientôt arriver dans le canal de Sainte-Marie, députés et sénateurs ont entamé hier une nouvelle session parlementaire avec une cérémonie enthousiaste suivie d'un cocktail... Bref tout va bien !!
Tout va bien... à part deux trois détails sans importance ces derniers jours : Des manifs à Tuléar et à Diego, avec un manifestant blessé par balles par les forces de l'ordre, des pillages et des bagarres anti-Merina (l'ethnie de Tana) sur les côtes, un député et un sénateur d'opposition mis en prison pour avoir manifesté contre le pouvoir. Enfin bref... trois fois rien.

Pourquoi est-ce que la population s'accroche à ces idées stupides de démocratie, de liberté de parole et de réunion, de justice, de transparence, de droit de vote ?
Le pays est au bord de l'explosion, de la révolte, du coup d'Etat. Mais chut... tsy misy problème, tout va bien.
D'ailleurs la preuve : L'équipe de foot malagasy a battu les Seychellois 5 à 0...

jeudi 26 avril 2007

Nico et Marco

J'ai la cinquantaine, les cheveux noirs et le sourire carnassier, je suis petit et complexé par ma taille, je bouge tout le temps.
Je suis colérique, hystérique, impulsif, névrosé.
Je suis ultra-libéral, proche des milieux d'affaires, ami des grands patrons... euh... non, j'ai pas d'amis.
Je me suis fait tout seul, je rêve du pouvoir jour et nuit, je déteste la critique... Et gare à qui se met en travers de mon chemin... y en a qui ont essayé...

Je suis devenu président en 2007. Qui suis-je ?

mardi 24 avril 2007

Démocratie en ruine et HCC toute neuve

Ce matin c'était l'inauguration de la Salle de Proclamation de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) : c'est une grande bâtisse peinte en rose pâle qui ressemble à un temple protestant avec une grande nef centrale et un autel - pardon un grand bureau tout au fond, et qui servira désormais à proclamer les résultats des diverses élections.
Curieusement cet événement sans aucun intérêt a mobilisé le ban et l'arrière-ban de l'intelligentsia malgache et vazaha. Étaient présents le président de la République, le Premier ministre et tous ses ministres, tous les ambassadeurs étrangers et leurs conseillers, les chefs d'Eglises, des dizaines de journalistes, etc. C'est bizarre que tout le monde s'intéresse aux bâtiments de la HCC... comme si c'était le dernier rempart d'une démocratie en ruine... Héé oui il semble ces derniers temps que la fragile démocratie malgache se fissure de partout, et les peintures toute fraîches de la HCC ne pourront rien y changer.
Deux exemples tout frais :
- Jeudi dernier Roland R., maire de Tamatave et l'une des deux plus grandes personnalités d'opposition, a été mis en prison pour avoir détourné l'argent destiné au ramassage des ordures.
Il a sûrement détourné cet argent, il est évidemment corrompu comme tout le monde, mais ce n'est pas ça son plus grand tort : c'est plutôt d'être un rival sérieux du président, un agitateur qui dérange. Il rejoint Pety, Fidy, Jean-Eugène, tous ces membres de l'opposition qui ont atterri en prison après avoir parlé un peu trop fort.
- Lundi un grand médecin du principal hôpital de Tana a été mis en prison pour trafic d'influence. Il a sûrement plein de casseroles, mais lui aussi est un opposant au régime pas assez discret. Résultat : la grande île n'a plus de médecin orthopédiste.

Pendant ce temps le beau bâtiment rose pâle de la Haute Cour Constitutionnelle est inauguré en grandes pompes. Il servira dans deux jours à proclamer officiellement les résultats du Référendum du 4 avril, où le OUI l'avait emporté largement.
Apparemment proclamer des résultats complètement truqués dans un bâtiment tout beau tout neuf, ça fait plus sérieux.

Présidentielles sous les tropiques

Le suspens est terrible... voici enfin les résultats du premier tour de la présidentielle française à Madagascar : 48,4% pour Ségolène Royal et 31,8% pour Nicolas Sarkozy ; les autres candidats sont quasiment inexistants.
Quant à la participation elle est de 43%, soit 5 points de plus qu'en 2002. Ça paraît pas énorme, pourtant il y a eu la queue toute la journée à l'ambassade : il fallait une bonne heure pour voter en moyenne.
Dans les bureaux de vote on a pu remarquer quelques illustres Malgaches qui ont la nationalité française, comme la vice-présidente de l'Assemblée Nationale, ainsi que les Indo-Pakistanais (les "karana") de nationalité française eux aussi.

mardi 10 avril 2007

Le miracle de Pâques

Un référendum sur une réforme constitutionnelle c'est pas sexy en soi.
Sortir de chez soi sous les trombes d'eau pour choisir un bulletin bleu (OUI) ou rose (NON) c'est franchement pas motivant.
Et quand il faut prendre une pirogue pour aller jusqu'au bureau de vote parce que le dernier cyclone a fait monter l'eau de 1,50m dans le village, là c'est carrément dissuasif.
Du coup mercredi dernier, jour du référendum, les bureaux de vote étaient évidemment déserts et les urnes transparentes désespérément vides. Et le lendemain les premiers résultats tombent : abstention = environ 80%. Quant au NON il semble être vainqueur dans toutes les grandes villes, sauf Tana. Echec cuisant pour le président.
Heureusement on est dans un pays profondément croyant où tout arrive...
Jeudi une mystérieuse panne informatique empêche quiconque (journalistes, diplomates, membres de l'opposition, observateurs) d'avoir accès à la salle des résultats du ministère de l'Intérieur. Et comme par miracle vendredi matin les résultats officiels sont annoncés :
Abstention = 56%.
Et le OUI l'emporte avec 75% des voix.
Alléluia.

mercredi 4 avril 2007

OUI ou OUI ?

Aujourd'hui référendum sur l'île rouge. Il porte sur une nouvelle Constitution pour le pays.
Question officielle posée aux électeurs : "Acceptez-vous ce projet de révision de la Constitution pour le développement rapide et durable par région, afin d'améliorer le niveau de vie des Malgaches?"

Autrement dit :"Avez-vous envie de gagner plein de fric et de devenir une super-puissance mondiale grâce à la nouvelle Constitution ?"




On se demande bien ce que les Magaches vont répondre ???! D'ailleurs le président a prédit au moins 80% de OUI...
Enfin pas sûr... "blup, blup, blup"... Des dizaines de milliers de Malgaches sont toujours sous l'eau à cause des cyclones successifs. Jaya, le petit dernier, s'est promené sur le nord du pays hier.

lundi 26 mars 2007

Saison cyclonique 2007

C'est tout joli, il ya plein de couleurs, on dirait un beau dessin de Doda qui aurait piqué tous les crayons de sa grande soeur...
Mais en fait ce sont les trajectoires de tous les cyclones qui nous pourrissent la vie depuis le mois de décembre.
A ce jour : une centaine de morts et plus de 300 000 sinistrés.

samedi 10 mars 2007

14 heures de la vie d'un taxi-brousse

C'est exotique, c'est l'aventure, ça fait rêver les touristes... mais voilà ce qui vous attend en réalité :

- 16h : On vous a dit d'arriver à 16h à la gare routière. Vous êtes à l'heure, vous achetez votre billet à la coopérative. On vous montre votre taxi-brousse. Vous confiez vos bagages. Vous n'avez pas bien compris l'heure du départ, mais il y a beaucoup d'effervescence autour de ce mini-bus un peu défraichi : C'est sûrement bientôt l'heure de partir.
- 17h : Vous demandez pour la 12è fois à quelle heure on part. "Bientôt bientôt" on vous dit.
- 17h15 : Tout le monde s'agite autour du véhicule. Mais pourquoi?

- 17h30 : 5 ou 6 taxi-brousse sont déjà partis avant le vôtre. Un homme commence enfin à empiler les bagages sur le toit. Il faut caser une douzaine de sacs, un matelas roulé sur lui-même et ficelé, un vélo rouillé, deux planches en bois.
- 18h : L'homme finit de fixer une bâche sur le chargement. La hauteur du taxi-brousse a presque doublé.
- 18h15 : Tous les passagers montent dans le taxi-brousse. Il y a 4 banquettes, conçues visiblement pour 2 ou 3 personnes, mais il faudra tenir à 4 par banquette. Vous êtes au milieu : à votre gauche un jeune homme qui finit sa cigarette, et à droite une vieille femme qui tient un panier rempli de brèdes sur ses genoux (une sorte d'épinards). Ca y est le taxi-brousse démarre. Derrière il y a deux lycéennes et un couple, et devant une famille avec trois petits enfants.
- 18h20 : le taxi-brousse s'arrête : pause carburant. Vous avez déjà mal aux fesses. Et puis le dossier de la banquette vous arrive au milieu du dos, impossible de poser la tête. Et en plus le monsieur de derrière a calé ses deux genoux dans le dossier, c'est-à-dire directement dans votre colonne vertébrale. Plus que 12h de route. Il faut essayer de dormir.
- 18h30 : Le plein est fait. Le taxi-brousse repart et le chauffeur met une cassette. C'est de la variété malgache, l'ambiance est bonne. Enfin c'est un peu fort quand même la musique. C'est même carrément assourdissant.
- 19h : Il fait nuit noire. Mais le chauffeur n'a pas encore jugé utile d'allumer ses phares. Il connait la route par coeur, chaque virage, chaque ornière. En plus il n'y a pas beaucoup de circulation sur cette route.
- 19h15 : 3è pause pipi. A chaque fois votre voisin de gauche veut sortir fumer un bout de cigarette. Et à chaque fois c'est toute la rangée qui doit se lever et sortir du taxi-brousse pour le laisser passer. Les hauts-parleurs hurlent toujours. Devant les enfants sont sages.
- 19h45 : On s'arrête pour le sakafo (le repas) : un bol de riz bouilli et quelques os de poulet dans une gargotte au bord de la route. Le tout pour 2000 ariary (80 centimes d'euros).
- 20h : On repart. Vous décidez d'entamer un combat discret avec vos voisins pour gagner quelques centimètres pour caser vos jambes.
- 2015 : Le jeune homme à côté sombre dans un sommeil profond. A la faveur d'un virage à droite, sa tête se pose sur votre épaule. Vous priez pour qu'arrive un virage à gauche.
- 20h20 : Un virage à gauche et un léger mouvement de votre épaule expédient la tête du jeune homme de l'autre côté.
- 21h : Le chauffeur change de cassette. Toujours de la variété malgache. Toujours aussi fort. Mais voilà que les deux lycéennes du fond décident de s'entraîner pour les castings de Pazzapa 5 (La Star Ac' malgache) et elles se mettent à chanter à tue-tête, plus fort que la cassette.
- 22h : Pause à Ankadikely - c'est-à-dire Trifouilly-les-oies. Tout le monde descend. Il ne se passe rien. Vous n'osez plus poser de questions. Les enfants sont toujours sages.
- 22h15 : Le chauffeur monte sur le toit, défait la bâche et installe tout en haut trois gros paniers remplis de poules, les pattes attachées. Vous vous demandez comment elles sont arrivées là, à Ankadikely, en pleine nuit, vous n'avez rien vu. Le taxi-brousse repart. Apparemment les poules peuvent voyager non-accompagnées.
- 23h : Comme il y a un vazaha (un blanc) dans son taxi-brousse, le chauffeur veut vous faire plaisir et pioche dans sa collection de cassettes françaises. Il hésite entre Mireille Matthieu, Hervé Vilard et Nana Mouskouri. Finalement ce sera Frédéric François. Vous êtes touché de cette attention délicate. Les lycénnes sont calmées.
- 23h10 : Frédéric François chante "Mon amour je t'aimerai toujours".
- 23h20 : 8è pause pipi.
- 23h30 : Frédéric François chante "Je t'aimerai toujours mon amour".
- 23h35 : Votre voisin a recolonisé votre épaule gauche.
- 23h40 : Frédéric François chante "Pour toujours mon amour je t'aimerai". Un virage et vous réexpédiez le voisin dans son coin.
- 01h30 : Le taxi-brousse fait une embardée. Vous vous réveillez en sursaut. Le chauffeur s'arrête, tout le monde descend et constate la crevaison. Il fait nuit noire, on est en pleine brousse. C'est le silence complet, personne ne parle. Les enfants de devant sont sages. La roue est changée. A l'aveugle. On repart et le chauffeur allume ses phares. Finalement ça peut servir.
- 02h15 : Le taxi-brousse ralentit, puis s'arrête sur le bas-côté. On attend. On est au milieu de rien. Il fait toujours nuit noire. Soudain un homme surgit des fourrés et donne une lettre au chauffeur. Il disparait et le taxi-brousse repart. Vous jetez un coup d'oeil à vos voisins. Ils sont impassibles. Apparemment tout est normal.
- 02h20 : Votre voisin de gauche se plait beaucoup sur votre épaule. Vous abandonnez la lutte. Vous vous rendormez.
- 04h30 : Vous vous réveillez, vous avez mal partout, vous avez envie de gigoter. Devant les enfants sont sages. Chaque passager a perdu 12 litres de sueur... Vous êtes encore un peu dans les vappes mais vous voyez très distinctement dans votre tête un bain moussant bien chaud.
- 05h : Le soleil commence à se lever. Vous vous tordez le cou pour essayer d'apercevoir les bornes kilométriques sur le bas-côté. Antananarivo 42 km. Encore une bonne heure.
- 6h10 : Le taxi-brousse pénètre dans la ville. Avec son chargement d'1,5m de haut il fait le fier en doublant les taxis-be (mini-bus inter-urbain).
- 6h30 : Arrivée à la gare routière. Tout le monde descend. Vous cherchez du regard vos compagnons de galère, un peu ému de les quitter. Pas eux. Quelle galère?

lundi 26 février 2007

Retour de vacances


A Diego-Suarez on est au bout du monde, et aussi de la Grande Île. On peut y aller en avion: 1 heure, ou en 4x4: 30 heures.
A Diego-Suarez on dit Diego.
A Diego on y va sans enfant pour faire de la rando et de la plongée. Et puis on reste au bord de la piscine, on admire la deuxième plus grande baie du monde (après Rio) ou on se baigne dans la mer d'émeraude.
A Diego il n'y a qu'une seule rue : la rue Colbert (pourquoi donc Colbert ???) qui va de la mairie au port, en passant par l'Alliance Française et quelques hôtels chics.
A Diego on ne peut pas remonter la rue Colbert sans croiser quelqu'un qu'on connaît.

A Diego tous les taxis sont des 4L jaunes.
A Diego on mange de la langouste, du crabe et des camarons. Comme à Fort-Dauphin. Comme à Mahajanga. C'est d'un banal.
A Diego le sport préféré des jeunes filles gasy c'est la pêche aux vazaha. En boite, dans les bars, sur la plage.
A Diego la Marine française a massacré quelques Malgaches qui s'insurgeaient contre la colonie. 20 000 morts ou 100 000 selon les sources. C'était le 29 mars 1947. On va commémorer les 60 ans de cette insurrection dans un mois.
A Diego on y retourne dans un mois pour le week-end prolongé du 29 mars. On va se faire discret...
A Diego il n'y a plus de marins ni de légionnaires français. Pourtant c'est la guerre. Pour capturer son vazaha. De préférence un riche et vieux.
A Diego on sort l'artillerie lourde quand arrive le porte-hélicoptère français la Jeanne d'Arc : mini-jupe, talons, maquillage. Les marins français sont toujours bien reçus quand ils font escale.
A Diego on peut voir des épaves de sous-marins japonais dans le port. Hé oui, les Japonais ont voulu prendre Diego pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les sous-marins de poche ont été coulés par les Britanniques dans la baie. Pendant ce temps Madagascar était dirigé par le régime de Vichy.

A Diego le patron de notre hôtel nous certifie que la prostitution n'existe pas plus ici qu'ailleurs sur la Grande Île. Mais il n'a même pas remarqué le vieux vazaha en string rouge qui faisait des galipettes dans la piscine avec une jeune fille de 16 ou 17 ans, sous le regard outré des touristes de l'hôtel.
A Diego on lit "Rade terminus" de Nicolas Fargues (Folio - récit du directeur de l'Alliance française sur la ville et ses drôles d'habitants). Et on se met à parler en commençant ses phrases par "A Diego".

dimanche 11 février 2007

Cochonnet et crampons

Depuis l'Indépendance les Malgaches sont régulièrement champions du monde de... pétanque!
Les quotidiens nationaux se passionnent en page Sport pour les aventures de Jafetra, Tony et Masaka, la "triplette infernale". Les éditorialistes se perdent en conjectures pour savoir qui est le meilleur pointeur entre Jean Jacky et Carlos ("De toutes façons ce sont les deux meilleurs du monde"). Et autour du Lac de Behoririka les boulistes amateurs refont le match toute la journée ("mais pourquoi Francine a raté ce tir en 8è ?" "c'est sûrement le mental qui a lâché... elle a bu un pastis au lieu du rhum vanille").
La pétanque c'est bien sûr un héritage colonial. Et heureusement car c'est la fierté nationale : c'est le seul sport dans lequel brillent les Gasy. Taille de jockey, poids de danseurs-étoiles, mollets de tireurs de fléchette et épaules de joueurs de Scrabble... pas facile de faire du foot ou du rugby avec ça... Et pourtant y en a qui ont essayé...
Dans les coupes africaines en général les clubs malgaches de foot passent un tour : ils arrivent à battre les Mauriciens ou les Seychellois. Mais ensuite quand ils s'agit d'affronter des Maliens ou des Sénégalais... on dirait des benjamins face à des seniors.
Alors dans ces cas-là tous les moyens sont bons : l'année dernière pour un match de rugby contre les Sud-Africains les Gasy avaient sélectionné deux judokas... les deux seuls poids lourds du pays... Bien sûr ils n'avaient jamais mis de chaussures à crampons et n'avaient aucune idée de comment on joue au rugby. Ils sont restés plantés les bras ballant pendant tout le match, sauf pour les mêlées où on leur avait dit de pousser très fort. Et ça a marché : victoire des Makis malagasy!

vendredi 2 février 2007

L'axe du mal passe par Tana

Encore une bonne nouvelle pour la démocratie gasy : demain sera créé le PSDUM, le Parti Socialiste et Démocratique pour l'Union à Madagascar.
Cette fois c'est pas une blague, c'est bien le 185è parti du pays. A sa tête l'ancien président de l'Assemblée Nationale, qui est arrivé 2è de la présidentielle. Bizarre, il a oublié de mettre "Développement" dans le nom de son parti...
Mauvaise nouvelle en revanche pour notre tranquilité : mercredi "des bandits ont assassiné le beau-frère par alliance de Ben Laden" à Ilakaka (pourquoi par alliance ?? un beau-frère c'est toujours par alliance non?) - ont annoncé les autorités malgaches.
Il a été tué dans son sommeil chez lui (il était trafiquant... pardon exportateur saoudien de saphir) par des bandits qui voulaient le cambrioler.
Résultat : Georges W. Bush va bientôt débarquer sur l'île rouge avec 150 000 GI. Ils vont traquer les voleurs de zébus qui sont -tout le monde le sait bien- de dangereux terroristes qui veulent mettre en péril la démocratie américaine.



D'ailleurs y a quoi dans la bosse des zébus ??? sûrement des bombes pour attaquer l'ambassade américaine... Attention, les Gasy font des élevages de zébus-kamikazes!
Heureusement les Américains vont nous sauver : ils vont éliminer tous ces zébus fanatiques et mettre au pouvoir le PSDUM...


mardi 30 janvier 2007

On n'a pas de riz mais on a des partis

Hier deux députés ont décidé de créer l'Union Social-Démocrate de Madagascar (USDM).
C'est le 184è parti politique en activité de l'île rouge. C'est-à-dire très exactement 1 parti pour 100 000 habitants...
Ici quand on n'est pas content, quand on a envie de s'engager pour la vie de la cité, on ne va pas s'encarter dans un parti, militer dans une association ou travailler dans une ONG.
Non, on crée sa propre formation politique avec sa belle-soeur, son voisin ou son grand-père. On choisit un sigle de 4, 5, 6 lettres voire beaucoup plus, avec obligatoirement les mots Madagascar, Démocratie ou Développement, voire les trois à la fois. Et on installe le "siège" du parti dans le garage de son neveu ou dans la cuisine d'un collègue.
De temps en temps on fait une AG avec les (5 ou 6) membres cotisants. Parfois on tente d'organiser une conférence de presse "Chez Dany", le restau d'un copain, après avoir payé quelques journalistes pour faire un article sur les idées révolutionnaires du PDDERSM (le Parti Démocratique pour le Développement Economique et le Renouveau Social de Madagascar).
Le PDDERSM? ben oui c'est le 185è parti du pays...

lundi 29 janvier 2007

L'Ile rouge vue par les Merina


Les Merina ce sont les habitants des hauts plateaux, donc d'Antananarivo, de type plutôt indonésien, par opposition aux populations des côtes, de type plus africain (peau noire, cheveux crépus).
Avec leurs cousins Betsileo (région de Fianarantsoa, à 8 heures de route au sud de Tana), les Merina ont colonisé l'île les premiers et méprisent joyeusement les côtiers, qui le leur rendent bien.
Exemple avec une amie s'occupe de réinsérer des femmes des rues, notamment des côtières, dans un quartier très défavorisé de la capitale. Un jour elle accompagne quelques unes de ces femmes dans une société de textile pour des entretiens d'embauche. L'emploi consistait à trier des boutons par ordre de taille toute la journée. Lorsque la patronne a vu arriver les postulantes, elle s'est tournée vers mon amie : "ha non désolée, ici on n'embauche pas les frisées"...
Et pendant ce temps les Merina ne manquent pas une occasion d'expliquer à quel point les ethnies malgaches vivent en parfaite harmonie. Ici on appelle ça le "fihavanana", soit littéralement "le fait de considérer chaque personne comme son parent proche".
En réalité c'est une vaste escroquerie, une parfaite hycrocrisie, un mensonge permanent.
Les "cheveux raides" trouvent que les "frisés" sont bêtes et paresseux.
Les "cheveux frisés" trouvent que les "raides" sont hautains et menteurs.
Mais chut... faut pas le dire...

vendredi 26 janvier 2007

Cherche ministre des cyclones et des baobabs. A pourvoir rapidement


Hier le Général Alcazar a présenté ses nouveaux Joyeux Turlurons à la presse : pas beaucoup de nouvelles têtes, pas de surprises... le nouveau gouvernement de ce second mandat est presque le même que le précédent.
Mais le président a fait un beau cadeau aux journalistes : il a distribué les CV de tous ses ministres...
Extraits:
"DATE DE NAISSANCE : vers 1947"
"DIPLOMES : certificat d'études"
"ACTIVITES : stage au siège de la Solima"
"EXPERIENCES SOCIO-PROFESSIONNELLES : président du Lions Club"
"LOISIRS : la marche dans la campagne et l'écoute de la musique"
"INFORMATIQUE : word et excel"
Sans oublier ceux qui indiquent leur religion (curieusement c'est toujours la même que celle du président), ceux qui fournissent un CV en anglais (comme le ministre de l'Education Nationale!), ceux qui laissent des fautes d'orthographe ("expériences professionnels").
Ces CV ça donne pas forcément envie de les embaucher , mais au moins ça les rend humain...
Quant au gouvernement proprement dit, il a une drôle d'allure :
- pas de ministre de l'Intérieur : pas besoin car le nouveau Premier ministre est un gendarme...
- pas de ministre des Affaires Sociales ou de la Famille : c'est vrai ça, pourquoi s'emmerder avec les femmes, les handicapés, les orphelins à adopter ou les retraités??
- deux ministres de l'Education Nationale (avec exactement le même titre) : un pour les voyelles, l'autre pour les consonnes
- un ministre de l'Economie + un ministre des Finances : un pour les pièces et un pour les billets
- un ministre des Travaux Publics et de la Météorologie : faut dire, c'est important de surveiller la météo quand on construit des ponts...
- un ministre des Transports et du Tourisme : ça c'est pour surveiller si les touristes allemands ne resquillent pas dans les taxis-brousse...

mercredi 24 janvier 2007

Le zébu ? bingo !

Une scène surréaliste cet après-midi dans le jardin : Pops et Doda jouent au "loto des animaux familiers" avec Andry (le jardinier de la maison).
Andry ne parle pas un mot de français, mais il annonce à tue-tête "la mésange! pour qui la mésange?", "le cochon d'Inde!"
Quant à Pops et Doda, elles n'ont jamais vu un mouton ou un âne. Mais elles ont l'air très familières avec ces "animaux familiers"...

jeudi 18 janvier 2007

Cactus, cactus et cactus au menu


A l'hôpital d'Ambovombe, Rasoa est venue avec ses deux plus jeunes enfants : ils ont 3 et 5 ans et ils pèsent tous les deux 8 kg (comme Doda qui a 18 mois). Ils sont arrivés inconscients il y a quelques semaines. Aujourd'hui ils sont sauvés mais ils ont de grands yeux hagards, le ventre ballonné et des jambes et bras squelettiques.
Pas étonnant qu'ils soient dans cet état : ça fait 6 mois que leur maman ne peut leur donner à manger que des cactus, qui poussent un peu partout dans cette région semi-aride du grand sud.
Un peu plus loin, dans une autre chambre de l'hôpital, tout aussi sombre et sale, Mpiandra est assise sur un lit en fer avec son bébé. C'est le dernier de ses 11 enfants. Même regard, même corps décharné, et même histoire que les précédents. Du cactus, du cactus et du cactus.
Ici il n'a pas plu depuis mars 2005. Donc pas de récolte. Donc rien à manger, et rien à boire.
Des enfants en danger, comme ceux de Rasoa et Mpiandra, il y en a 6100 très précisément dans cette région, selon les Nations Unies. Ils sont pris en charge depuis plusieurs mois dans des centres de santé par les NU et des ONG, qui auront distribué d'ici fin mars 4600 tonnes de riz, de mais et de farine de soja à 200 000 personnes.
Bref c'est la mobilisation générale et la famine a pu être évitée. Mais il n'y a pas de quoi se réjouir. Car ça dure depuis des décennies. Chaque année c'est le même engrenage infernal : pas de pluie, pas de récolte, et une période de soudure interminable jusqu'à l'arrivée des sacs de riz estampillés PAM, CARE ou CRS.
Mais il y a quand même des petites ONG qui privilégient le développement, les solutions durables, le long terme, plutôt que de jouer aux pompiers chaque année à la même époque. Il y a aussi des promesses politiques : on parle d'un pipe-line pour apporter de l'eau. On parle de développer la culture du sorgho, plus adaptée au climat de la région que le riz ou le maïs. On parle de taxer les grands propriétaires terriens qui s'enrichissent dans leur coin. On parle de planning familial pour éviter que chaque homme ait 6 femmes et 50 enfants à nourrir.
Mais tout ça prend du temps et coûte cher. En attendant Mpiandra a dû vendre - ou plutôt brader - toutes ses terres pour acheter à manger. Ça lui a permis de tenir trois semaines. Son mari lui est parti à 15 heures de route de là, à Ilakaka, pour travailler dans les mines de saphir.

mardi 9 janvier 2007

United Colors

11h30 ce matin Pops (3 ans et demi, petite section de maternelle) de retour de l’école :
« Dans ma classe les enfants sont des malgaches parce qu’ils ont les cheveux noirs. Moi j’ai les cheveux jaunes, alors je suis une prinçaise. Et puis il y a aussi le petit indien. C’est la maîtresse qui l’a dit. »
Traduction : à l’école Age Tendre, Pops, la princesse aux cheveux jaunes, est la seule Française au milieu d’une vingtaine de petits Gasy. Quant à Nagawika il n’est pas venu à Tana pour chasser le grand bison, c’est un Indo-Pakistanais (ici on dit un "karana"), sans doute fils de redoutables commerçants aux méthodes de sioux.

Et au fait papa il a les cheveux noirs non ? C'est un Malgache alors ? C'est la maîtresse qui l'a dit.

lundi 8 janvier 2007

Père Noël Action Plan

Lu ce matin p.15 de la Gazette de la Grande Ile :
"Quelques enfants qui sont venus profiter des derniers instants avec le Père Noël, hier après-midi, ont été déçus par les prestations de ce personnage. Portant l'uniforme rouge et la barbe en coton pendant un mois, les personnes qui se cachent derrière ce déguisement ont fini par se lasser et ont commencé à montrer une piteuse image du héros de Noël. L'un d'eux a passé l'après-midi à draguer les jeunes filles passant devant son stand. Un autre, qui avait abusé de l'alcool, s'est écroulé dans un fauteuil avec la barbe souillée par son vomissement, avant qu'une personne le transporte à l'arrière d'une fourgonnette."
Décidément tout fout le camp à Madagascar...
Heureusement l'Unicef va sûrement créer une commission pour évaluer les dégâts sur le moral des enfants qui ont assisté à cette scène traumatisante. Pendant ce temps la Banque Mondiale va embaucher un consultant qui rendra dans quelques mois un volumineux rapport sur l'alcoolisme des Pères Noël. Enfin l'Union Européenne va sans aucun doute dégager une ligne de financement exceptionnel pour planter des panneaux "Mini-jupes interdites" aux normes UE sur toute l'avenue de l'Indépendance.
En attendant Pops et Doda se demandent toujours pourquoi le Père Noël met un manteau, des bottes et un bonnet par cette chaleur...

vendredi 5 janvier 2007

Mercato : Thierry Henry à Mada ?

"Madagascar c'est comme les clubs de foot du FC Barcelone ou de Chelsea" - a déclaré le Général Alcazar lors de la cérémonie des voeux au Palais présidentiel devant 2500 invités sur leur trente-et-un. "Il y a beaucoup de joueurs étrangers, venus du monde entier, mais peu importe quelle est la nationalité de ceux qui marquent les buts. L'important c'est de marquer".
Autrement dit peu importe qu'à Madagascar les joueurs vedettes ce soient les entreprises étrangères et les bailleurs de fonds. L'important c'est de concrétiser les grands défis du pays, à commencer par la réduction de la pauvreté.
Mouais... ça veut dire aussi : "vazaha, vazaha donne-moi de l'argent... développe mon pays. Et puis grouille-toi un peu!"
Sinon à retenir de cette ennuyeuse cérémonie : L'ambassadeur d'Afrique du Sud, doyen du corps diplomatique, qui prononce l'intégralité de son discours en malgache, et avec un bon accent parait-il. Il a dû passer ses vacances à bachoter, mais ça lui a valu une ovation du public.
L'ambassadeur sud-af' il joue à quel poste déjà ?

mercredi 3 janvier 2007

De Bonané daholo eeeeeee !!!

J'avais oublié l'essentiel... mais on n'est que le 3 après tout. Bonne année donc ! Pour nous c'était foie gras, pintade farcie et girolles (pardon "ziroles"...) chez des amis... jusqu'à 5h du mat' - vaisselle comprise.
Je ne sais pas où le Général Alcazar a passé les fêtes, mais en tous cas l'année commence bien pour lui : dans quelques jours il sera réinvesti pour un nouveau mandat de 5 ans, après une élection "calme et calme dans l'ensemble", suivant la formule préférée d'un quotidien gasy...
Pour égayer cette campagne électorale il y a eu heureusement la tentative de "putsh" d'un général mutin, mi-novembre : il a voulu prendre le contrôle d'une base militaire, mais l'opération s'est révélée à peine plus dangereuse qu'une partie de paint-ball en forêt corrézienne.
2007 démarre donc au mieux pour le Général Alcazar et ses joyeux Turlurons, qui baignent 24h sur 24 dans un optimisme béat... Attention l'ïle rouge va décoller ! et dans quelques mois on fait notre entrée au G8...

mardi 2 janvier 2007

ouverture de la saison calendrio-cyclonique

En décembre et janvier y a deux dangers principaux quand on vit sur l'île rouge :
1- recevoir sur la tête une antenne 3,8m d'Olive en se baladant sur une plage
Oui il fait voler les antennes à cette époque. Chacun ses loisirs... Pendant ce temps y a des Gasy (= Malgaches, je le dis une bonne fois pour toutes) qui font du lancer de tôles ondulées ou des triple loots piqués en pirogue.
En fait la saison cyclonique bat son plein : Bondo nous est passé dessus le jour de Noël et Clovis nous menace cette semaine. Bilan : deux morts et un millier de personnes sans abris. Sans compter les innombrables dégâts collatéraux comme l'annulation des vacances de Séraphin Lampion (et de sa petite famille) qui n'en finit pas d'essayer de vendre des assurances, des crevettes ou des saphirs... on en reparlera une autre fois...
2- se faire agresser pour un calendrier
La saison des calendriers bat également son plein. Pas une boutique, une agence de voyage, une banque qui n'ait fait imprimer des calendriers pour offrir à ses meilleurs clients. Evidemment le must c'est que le calendrier fasse au minimum un format A3 avec des photos du plus mauvais goût. Mais curieusement les Gasy s'étriperaient pour en avoir. Car c'est le comble du chic d'accrocher un calendrier aef plomberie ou sgs sécurité dans sa maison. J'en ai "offert" quelques uns - ou plutôt je m'en suis débarrassé je l'avoue - à Fara la nounou des filles (ici on dit "nénène"), j'ai cru qu'elle allait s'évanouir d'émotion...