lundi 26 mars 2007

Saison cyclonique 2007

C'est tout joli, il ya plein de couleurs, on dirait un beau dessin de Doda qui aurait piqué tous les crayons de sa grande soeur...
Mais en fait ce sont les trajectoires de tous les cyclones qui nous pourrissent la vie depuis le mois de décembre.
A ce jour : une centaine de morts et plus de 300 000 sinistrés.

samedi 10 mars 2007

14 heures de la vie d'un taxi-brousse

C'est exotique, c'est l'aventure, ça fait rêver les touristes... mais voilà ce qui vous attend en réalité :

- 16h : On vous a dit d'arriver à 16h à la gare routière. Vous êtes à l'heure, vous achetez votre billet à la coopérative. On vous montre votre taxi-brousse. Vous confiez vos bagages. Vous n'avez pas bien compris l'heure du départ, mais il y a beaucoup d'effervescence autour de ce mini-bus un peu défraichi : C'est sûrement bientôt l'heure de partir.
- 17h : Vous demandez pour la 12è fois à quelle heure on part. "Bientôt bientôt" on vous dit.
- 17h15 : Tout le monde s'agite autour du véhicule. Mais pourquoi?

- 17h30 : 5 ou 6 taxi-brousse sont déjà partis avant le vôtre. Un homme commence enfin à empiler les bagages sur le toit. Il faut caser une douzaine de sacs, un matelas roulé sur lui-même et ficelé, un vélo rouillé, deux planches en bois.
- 18h : L'homme finit de fixer une bâche sur le chargement. La hauteur du taxi-brousse a presque doublé.
- 18h15 : Tous les passagers montent dans le taxi-brousse. Il y a 4 banquettes, conçues visiblement pour 2 ou 3 personnes, mais il faudra tenir à 4 par banquette. Vous êtes au milieu : à votre gauche un jeune homme qui finit sa cigarette, et à droite une vieille femme qui tient un panier rempli de brèdes sur ses genoux (une sorte d'épinards). Ca y est le taxi-brousse démarre. Derrière il y a deux lycéennes et un couple, et devant une famille avec trois petits enfants.
- 18h20 : le taxi-brousse s'arrête : pause carburant. Vous avez déjà mal aux fesses. Et puis le dossier de la banquette vous arrive au milieu du dos, impossible de poser la tête. Et en plus le monsieur de derrière a calé ses deux genoux dans le dossier, c'est-à-dire directement dans votre colonne vertébrale. Plus que 12h de route. Il faut essayer de dormir.
- 18h30 : Le plein est fait. Le taxi-brousse repart et le chauffeur met une cassette. C'est de la variété malgache, l'ambiance est bonne. Enfin c'est un peu fort quand même la musique. C'est même carrément assourdissant.
- 19h : Il fait nuit noire. Mais le chauffeur n'a pas encore jugé utile d'allumer ses phares. Il connait la route par coeur, chaque virage, chaque ornière. En plus il n'y a pas beaucoup de circulation sur cette route.
- 19h15 : 3è pause pipi. A chaque fois votre voisin de gauche veut sortir fumer un bout de cigarette. Et à chaque fois c'est toute la rangée qui doit se lever et sortir du taxi-brousse pour le laisser passer. Les hauts-parleurs hurlent toujours. Devant les enfants sont sages.
- 19h45 : On s'arrête pour le sakafo (le repas) : un bol de riz bouilli et quelques os de poulet dans une gargotte au bord de la route. Le tout pour 2000 ariary (80 centimes d'euros).
- 20h : On repart. Vous décidez d'entamer un combat discret avec vos voisins pour gagner quelques centimètres pour caser vos jambes.
- 2015 : Le jeune homme à côté sombre dans un sommeil profond. A la faveur d'un virage à droite, sa tête se pose sur votre épaule. Vous priez pour qu'arrive un virage à gauche.
- 20h20 : Un virage à gauche et un léger mouvement de votre épaule expédient la tête du jeune homme de l'autre côté.
- 21h : Le chauffeur change de cassette. Toujours de la variété malgache. Toujours aussi fort. Mais voilà que les deux lycéennes du fond décident de s'entraîner pour les castings de Pazzapa 5 (La Star Ac' malgache) et elles se mettent à chanter à tue-tête, plus fort que la cassette.
- 22h : Pause à Ankadikely - c'est-à-dire Trifouilly-les-oies. Tout le monde descend. Il ne se passe rien. Vous n'osez plus poser de questions. Les enfants sont toujours sages.
- 22h15 : Le chauffeur monte sur le toit, défait la bâche et installe tout en haut trois gros paniers remplis de poules, les pattes attachées. Vous vous demandez comment elles sont arrivées là, à Ankadikely, en pleine nuit, vous n'avez rien vu. Le taxi-brousse repart. Apparemment les poules peuvent voyager non-accompagnées.
- 23h : Comme il y a un vazaha (un blanc) dans son taxi-brousse, le chauffeur veut vous faire plaisir et pioche dans sa collection de cassettes françaises. Il hésite entre Mireille Matthieu, Hervé Vilard et Nana Mouskouri. Finalement ce sera Frédéric François. Vous êtes touché de cette attention délicate. Les lycénnes sont calmées.
- 23h10 : Frédéric François chante "Mon amour je t'aimerai toujours".
- 23h20 : 8è pause pipi.
- 23h30 : Frédéric François chante "Je t'aimerai toujours mon amour".
- 23h35 : Votre voisin a recolonisé votre épaule gauche.
- 23h40 : Frédéric François chante "Pour toujours mon amour je t'aimerai". Un virage et vous réexpédiez le voisin dans son coin.
- 01h30 : Le taxi-brousse fait une embardée. Vous vous réveillez en sursaut. Le chauffeur s'arrête, tout le monde descend et constate la crevaison. Il fait nuit noire, on est en pleine brousse. C'est le silence complet, personne ne parle. Les enfants de devant sont sages. La roue est changée. A l'aveugle. On repart et le chauffeur allume ses phares. Finalement ça peut servir.
- 02h15 : Le taxi-brousse ralentit, puis s'arrête sur le bas-côté. On attend. On est au milieu de rien. Il fait toujours nuit noire. Soudain un homme surgit des fourrés et donne une lettre au chauffeur. Il disparait et le taxi-brousse repart. Vous jetez un coup d'oeil à vos voisins. Ils sont impassibles. Apparemment tout est normal.
- 02h20 : Votre voisin de gauche se plait beaucoup sur votre épaule. Vous abandonnez la lutte. Vous vous rendormez.
- 04h30 : Vous vous réveillez, vous avez mal partout, vous avez envie de gigoter. Devant les enfants sont sages. Chaque passager a perdu 12 litres de sueur... Vous êtes encore un peu dans les vappes mais vous voyez très distinctement dans votre tête un bain moussant bien chaud.
- 05h : Le soleil commence à se lever. Vous vous tordez le cou pour essayer d'apercevoir les bornes kilométriques sur le bas-côté. Antananarivo 42 km. Encore une bonne heure.
- 6h10 : Le taxi-brousse pénètre dans la ville. Avec son chargement d'1,5m de haut il fait le fier en doublant les taxis-be (mini-bus inter-urbain).
- 6h30 : Arrivée à la gare routière. Tout le monde descend. Vous cherchez du regard vos compagnons de galère, un peu ému de les quitter. Pas eux. Quelle galère?