mercredi 29 août 2007

L'île au potentiel éternel

Il y a quelques décennies un certain Charles de Gaulle aurait dit : "Madagascar est un pays qui a du potentiel, et qui le gardera"...

Autrement dit la Grande Ile se développera quand les lémuriens chanteront "I like to move it move it" au sommet des baobabs.

Et bien ici il y a un parti politique qui pense avoir trouvé LA solution pour convertir le potentiel de Madagascar, et faire du pays un grand dragon économique. Ce parti s'appelle Otrik'afo, c'est-à-dire "les braises".

D'après eux LA solution c'est de virer du pays tous les étrangers, tous ces Français, ces Indiens, ces Pakistanais, ces Chinois, ces Américains et autres Australiens qui cherchent du pétrole, exploitent des mines de nickel ou d'uranium, qui tiennent des hôtels et des restaurants, développent les nouvelles technologies ou dirigent des projets humanitaires. Tous, il faut tous les virer et rendre le pays au peuple malgache.
Attention il ne s'agit pas d'un parti xénophobe ni même nationaliste comme il en existe plein en Europe. Otrik'afo est un parti patriotique d'extrême-gauche et se veut dans la ligne des Lula, Chavez et cie.

Alors imaginons que tous les investisseurs et travailleurs étrangers quittent le pays, comment les Malgaches vont-ils financer les projets? Avec quel argent vont-ils monter des usines sans les dollars et les euros des vazaha ? Comment vont-ils payer les fonctionnaires, construire des écoles, des centres de santé et des routes si la Banque Mondiale et l'Union Européenne ne sont plus là ?
Pas de problème - répond Otrik'afo, qui a encore LA solution : il suffit... d'imprimer des billets... et voilà.

On appelle ça faire fonctionner la planche à billets. C'est ce que Robert Mugabe au Zimbabwé a cru malin de faire, après avoir viré les fermiers blancs et redistribué la terre au peuple. Résultat : l'inflation du Zimbabwé avoisine aujourd'hui les 8000 % ... et dépassera les 10 000 % dans les prochains mois. Record mondial.

Mais Otrik'afo n'en démord pas : s'il était au pouvoir, Madagascar se développerait en quelques semaines. Heureusement ces dangereux illuminés ne risquent pas d'accéder à la présidence, l'île rouge va conserver son potentiel éternel pendant de longues décennies, et les lémuriens ne sont pas près de se dandiner dans la brousse.

lundi 20 août 2007

Les aventures de Bob le Seychellois aux JI

Ca y est! Tous les trottoirs sont repeints, les drapeaux sont hissés dans les rues, la piscine est à la bonne température et le stade a reçu tous les matériels de compétition. Ici on est fin prêt : Madagascar va enfin pouvoir accueillir les Jeux des îles de l'Océan Indien!!

Euh... hum hum... comment dire.... Ben en fait c'est déjà fini les Jeux. La cérémonie de clôture a eu lieu dimanche dernier et les Malgaches ont remporté les Jeux avec 101 médailles d'or devant les Réunionnais (67), les Mauriciens (35) et les Seychellois (35).

Bon alors voici un aperçu de cet événement (dés)organisé par la Grande Ile... C'est Bob le lanceur de javelot seychellois qui nous raconte :

"Avec mes copains des Seychelles on a participé pendant 10 jours aux 7è Jeux des îles de l'Océan Indien. Un peu comme les Jeux olympiques de l'Océan Indien, avec 6 îles participantes : Mada, La Réunion, Les Comores, Mayotte, L'Ile Maurice et les Seychelles. Sauf que là ça se passait sur l'île des barjots de l'océan indien... vous allez voir.

Ce sont mes premiers Jeux et en arrivant je stresse un peu. Il paraît que rien n'est prêt : la piscine est à peine creusée, la piste du stade d'athlétisme n'est pas posée, le Village des athlètes n'est pas terminé. Pff... des mauvaises langues sûrement.
D'ailleurs quand on arrive à l'aéroport avec toute la délégation seychelloise, l'accueil est digne des chefs d'Etat. Le tapis rouge est de sortie sur le tarmac et quelques officiels malgaches nous souhaitent la bienvenue avec un jus d'orange dans le salon d'honneur. Ça commence très bien. Bon il y a quand même une partie des bagages qui a disparu. Il paraît qu'ils ont été embarqués sur un vol pour Tuléar. Mais ça n'a pas l'air d'inquiéter les Malgaches ; tout est sûrement sous contrôle.
On nous emmène au Village des athlètes : c'est un vieux lycée technique décrépi qui a été transformé en gigantesque dortoir pour accueillir les 1600 sportifs et leurs coaches. On est loin d'un hôtel 4 étoiles des Seychelles, mais la bonne humeur règne dans tous les couloirs.


D'après le programme officiel, les compétitions de javelot ne commencent que dans 5 jours. D'ici là je vais aller supporter mes copains des autres disciplines. Demain : premiers matchs de volley à 10h au Gymnase de Mahamasina, j'y serai avec mon drapeau des Seychelles.

Il est 9h, c'est parti pour les Jeux!! Il faut vite oublier cette horrible nuit, le chahut des Comoriens, les toilettes bouchés, les cafards. Je prends une navette qui me conduit directement au Gymnase de volley. Tiens c'est vraiment bien organisé ça. Et en plus je visite un peu Tana. Mais pourquoi ils repeignent tous les trottoirs ?

On arrive. Mais devant le gymnase il y a un attroupement, avec des officiels malgaches et leurs badges réglementaires, des athlètes de tous les pays en survêtement, et des spectateurs au regard inquiet un billet d'entrée à la main. Très vite j'apprends que la clé du gymnase est introuvable. Et puis de toutes façons les poteaux du volley ont été livrés par erreur au stade d'athlétisme, on les a confondus avec les poteaux du saut à la perche. Ils sont bizarres ces Malgaches. Les compétitions de volley sont reportées.
Toujours muni de mon drapeau je reprends une navette pour aller voir Mark mon copain haltérophile au Gymnase d'Antanimena. Mais là-bas aussi les portes sont closes. Sous la belle banderole indiquant l'entrée du site d'haltérophilie, il n'y a pas un athlète, pas un spectateur. Seul un gardien dans un uniforme flambant neuf somnole avachi sur une chaise qui menace de s'écrouler. Dans un français approximatif le gardien m'explique que les haltères et le tableau d'affichage offerts par la Chine sont inutilisables. Mais rien de grave : on est parti en chercher d'autres à La Réunion. Ben voyons. En attendant les compétitions d'haltérophilie sont reportées. Vraiment bizarres ces Malgaches...


Bon, à peine découragé, je repars en examinant mon programme officiel. Je décide d'aller déjeuner à la cantine du village des athlètes avant d'assister aux combats de karaté au Dojo d'Ankorondrano. Un bol de riz et deux bananes plus tard, me revoilà dans la navette, très impatient d'assister à mes premières compétitions internationales! Et je ne suis pas déçu : dans le dojo il y a de l'ambiance. Les spectateurs sont debout, applaudissant et hurlant. Les pom-pom girls se trémoussent suivant une chorégraphie très huilée, pendant que le speaker s'égosille pour essayer de couvrir la musique et annoncer la cérémonie de remise des médailles. Un frêle karatéka malgache encore en kimono monte sur la première marche du podium, un Réunionnais et un Mauricien l'encadrent. Le silence se fait pour écouter l'hymne malgache. C'est la cérémonie des moins de 60 kg. La dernière de la journée - m'explique un Volontaire des Jeux en uniforme - les compétitions sont terminées pour aujourd'hui. L'horaire a changé, vous ne saviez pas?
Ben non je ne savais... C'est un pays de fous ou quoi ?


Ce matin je vais m'entraîner. Bah oui je suis pas là pour faire du tourisme moi. Les bagages sont revenus de leur petit périple à Tuléar et j'ai passé une bonne nuit, malgré le concert hier soir d'un insupportable groupe folklorique malgache. C'est une coutume pour faire tomber la pluie ? ou c'est peut-être une technique pour afflaiblir les adversaires...
Avec mon équipe, mon coach et tout mon matériel, je vais à pied au stade d'Alarobia juste à côté du Village. Ça et là des ouvriers s'affairent pour décharger les haies du 110m, remplir de sable les bacs du saut en longueur, finir de peindre les tribunes. Mais ils ont été prévenus quand qu'il fallait organiser les Jeux des îles ?? il y a quinze jours ?
Mes camarades sprinteurs ne sont pas contents : pendant les compétitions il n'y aura pas de chronométrage électronique, juste des arbitres malgaches avec leurs petits chronomètres manuels. Pas du tout dans les normes internationales - ils disent. Bof pas très grave à mon avis. De toutes façons personne ne va battre le record du monde du 100m ici. Les sauteurs eux aussi sont furieux : les poteaux ne sont pas encore installés, ils viennent juste d'arriver. Et ils arrivent d'où ces poteaux ? de Pékin, de Zanzibar, de Terre Neuve? Pays de fous... Moi j'ai de la chance, je peux lancer mes javelots. Enfin j'espère que personne ne va me les piquer de l'autre côté du stade pour en faire des piquets de corner sur le terrain de foot... Je vais pas les lancer trop fort tiens.

Entraînement le matin et détente l'après-midi. Maintenant j'ai mes habitudes dans ces Jeux des îles. Hier je suis allé voir les demi-finales de basket : les Seychellois ont perdu mais le spectacle était grandiose et les supporters malgaches littéralement déchaînés. Les basketteurs malgaches ce sont des stars ici. Malheureusement à l'entrée du Palais des sports il y a eu une bousculade, 20 personnes blessées ont été évacuées à l'hôpital. Il paraît qu'ils ont vendu plus de billets que le Palais ne peut contenir de spectateurs.

Aujourd'hui après l'entraînement, avec mes copains de l'athlé on ira soutenir les nageurs seychellois à la piscine.
C'est une belle piscine olympique de 50m construite spécialement pour les Jeux. Le problème c'est qu'ici on est à 1400m d'altitude et qu'on est en plein hiver. Il fait un froid de canard, il y a du vent et le soleil se couche vers 17h30. Bref l'eau est gelée, je plains les nageurs ! Il y a bien un appareil à chauffer l'eau mais ça ne suffit pas à la maintenir à une bonne température. Le Comité malgache d'organisation des Jeux il a confondu natation et patinage sur glace ou quoi ??

Bon ça y est c'est mon tour : les compétitions de javelot ont commencé ce matin au Stade d'Alarobia, devant un public franchement clairsemé. Curieux... c'est pourtant top le javelot. Le Réunionnais fait un jet à 73m, le Mauricien à 64m, le Mahorais à 63m. Ils sont trop forts pour moi.
Pas grave je me suis bien amusé pendant ces Jeux. D'ailleurs à la Cérémonie de clôture dimanche, le Premier ministre malgache a dit que c'étaient les Jeux les mieux organisés depuis 1979. Et qu'ils resteront à jamais les meilleurs Jeux des îles de l'histoire... Ils sont fous ces Malgaches."