mardi 23 octobre 2007

Stylo vita malagasy

Ce matin le quotidien Midi Madagasikara annonce un événement qui fait déjà de l'ombre à la visite de Laëtitia Halliday sur la Grande Île : "Le premier stylo malgache bientôt sur le marché".

Selon l'article, ce stylo fabriqué par la société "Stylo Madagascar SARL" répond aux "exigences malgaches en termes de qualité et de performance". Qualité ?? Performance ?? Il doit pas être 100% malagasy ce stylo, faut lui faire un test ADN...
Toujours selon l'article, ces stylos malgaches sont "porteurs de messages forts et véhiculent la valeur socio-culturelle malgache". Euh... alors ça ça veut dire que le stylo vita malgasy ne peut pas écrire en rouge. Bah oui c'est interdit par la valeur socio-culturelle du pays, ça fâcherait les ancêtres. On a des amis qui ont essayé d'écrire en rouge, je vous raconte pas la tête des ancêtres...
Enfin sur chaque stylo "un petit message en malgache est inscrit de manière à rappeler à celui qui l’utilisera que ces mots servaient de repère aux anciens". On devrait donc pouvoir lire, au choix : "Il faut toujours aller par quatre chemins" - "Le riz et le riz sont les deux mamelles de Madagascar" - "Tout vient à point à qui sait attendre... longtemps" - "Il y a de la fumée sans feu" - "Le temps c'est pas de l'argent" - "Le bonheur des uns fait le malheur des autres" - etc. Enfin bref les grands repères de base qui se transmettent de génération en génération.

Alors ? c'est pas du marketing efficace ça ?

jeudi 11 octobre 2007

Mada 1 - Darfour 0

Madagascar c'est loin, c'est exotique, c'est plein de bestioles et d'arbres bizarres, mais c'est pas seulement un paradis touristique. C'est aussi et surtout rempli de pauvres. Résultat : les ONG et les Nations Unies réussissent peu à peu à convaincre les chaînes de télé de venir filmer ici. Bon ok ça manque de camps de réfugiés, de tsunami dévastateurs et de bilan catastrophique. On peut pas lutter avec le Darfour ou le Sri Lanka pour attirer les caméras. Mais un gamin rachitique en haillon avec le nez qui coule et des mouches sur la tête ça fait quand même des belles images pour un JT de 20h.

Et ben justement il y a quelques jours Patrick Poivre d'Arvor a diffusé dans son journal de 20h un reportage sur Madagascar, précisément sur la famine de l'été dernier dans le grand sud de l'île. Bon TF1 découvre la lune... ça fait des décennies que la situation se répète à l'identique chaque année : pas de pluie, pas de récolte, aide internationale. Mais c'est un joli coup... 1'30'' au JT de TF1... 40% de parts de marché pour les gamins de la brousse au ventre ballonné... et pour les ONG mis en lumière dans le reportage.

Bon il paraît que c'est "normal" : c'est comme ça qu'on arrive à lever des fonds pour aider les plus pauvres. C'est la guerre des humanitaires, faut avoir les meilleurs pauvres, les plus larmoyants, les plus convaincants pour faire craquer les mères de famille, les fondations d'entreprise, les gouvernements.

Enfin à Mada on part avec un handicap : les famines et les épidémies elles font pas des milliers de morts, même les cyclones ils sont un peu feignants pour faire du chiffre. Mais les humanitaires de Mada n'ont pas dit leur dernier mot, la bataille continue.

La semaine prochaine TF1 et Paris Match viennent couvrir un grand événement organisé par l'UNICEF : une campagne nationale de vaccination contre la rougeole, une maladie qui fait encore des ravages ici. En fait TF1 vient surtout filmer Mme Laëtitia Halliday - femme de... si si la vraie - qui est marraine de l'opération. Laëtitia dans un dispensaire de brousse au milieu des enfants crasseux et malades ça va faire un malheur au JT ça. Ici on vise 50% de parts de marché, voire 60% sur les ménagères de moins de 50 ans. Et toc pour le Darfour... Et y sont où ? et y sont où les Soudanais ???

mercredi 3 octobre 2007

Des ordures aux petits fours



Je suis allée ce matin sur l'une des décharges de Tana, au pied des collines du centre-ville :
Imaginez un immense tas d'ordures. Plus grand que plusieurs terrains de foot. On ne sait même plus sur quoi on marche, les couches d'ordures sont superposées depuis des dizaines d'années, ça sent très mauvais. Toute la journée et toute la nuit des camions déversent des tonnes de déchets dans cette décharge. Et à chaque fois qu'un camion arrive, des dizaines, des centaines de gamins courent de toutes leurs forces pour grimper les premiers et récupérer tout ce qu'ils peuvent. Ils se jettent dans le tas d'ordures, se disputent les meilleurs bouts de tissu, les boites en aluminium, les morceaux de carton ou les épluchures.
Les camions les plus intéressants arrivent la nuit entre 19h et 4h du matin. Donc les enfants ne dorment pas, ils travaillent la nuit avec tous leurs frères et soeurs et leurs parents, et au petit matin ils partent vendre leur récolte sur les "marchés" de récup'. Ils se reposent l'après-midi... sauf si un camion intéressant arrive, comme ceux des usines textile remplis de chutes de tissus.
Ces enfants sont nés là et ne connaissent rien d'autre que la décharge. Quand je leur ai demandé s'ils voulaient arrêter ce travail et quels étaient leurs rêves, ils m'ont répondu "c'est quoi un rêve?". Quant aux parents ils disent qu'ils ne savent rien faire d'autre et que trier les ordures c'est la meilleure activité pour survivre : ils arrivent à gagner 5 000 ariary (2 euros) une très bonne nuit. Mais parfois ils ne trouvent rien, la récolte est mauvaise et il faut passer une journée sans manger.


Vers midi j'ai quitté les enfants de la décharge pour aller célébrer la fête nationale allemande à la Villa Berlin, la résidence de l'Ambassadeur. Tout le gratin de Tana était rassemblé au bord de la piscine sous les parasols, se régalant d'une bonne choucroute arrosée d'une coupe de champagne, et glosant sur la pauvreté et le développement.
Les restes du cocktail arriveront sûrement vers 19h à la décharge.

lundi 1 octobre 2007

Les petites fleurs de Paris

A tous les Parisiens qui se demandent à quoi servent leurs impôts locaux, j'ai la réponse : à planter des petites fleurs et des barrières à Tana...
Hé oui grâce à des financements de la mairie de Paris et à la Région Ile-de-France, l'avenue de l'indépendance est désormais magnifique. Les deux contre-allées et le terre-plein central sont bordés de barrières blanches et de plots qui empêchent tout stationnement, tandis que des parterres de fleurs ont été installés partout. Les urbanistes parisiens qui ont eu ces brillantes idées ont appellé ça le "Plan vert". Jean-Paul Huchon, le président de la Région Ile-de-France est venu en personne inaugurer cette oeuvre d'art, se vantant d'avoir transformé la capitale malgache (!!).
Résultat, maintenant sur l'avenue de l'Indépendance on se croirait sur le périph à 19h. Impossible de circuler et encore moins de se garer. Pendant ce temps dans les bas quartiers les routes sont toujours en terre, jonchées de tas d'ordures et les habitants vivent à 8 ou 10 dans des petites cases en bois et en tôle inondées en saison des pluies.
Jean-Paul Huchon n'a pas pensé à utiliser l'argent des Parisiens pour aider ces quartiers pauvres. Il ne s'est même pas aventuré là-bas... sans doute qu'il ne savait pas où planter ses barrières et ses petites fleurs...